Aller au contenu

Page:Desbordes-Valmore - Contes et scènes de la vie de famille, tome 2, 1865.pdf/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LE PETIT BÈGUE.

jette à l’eau pour la première fois. Ses yeux ardents, ses mouvements souples et rapides, l’inébranlable idée de sauver son fardeau en le poussant vers le bord, et quelque ange arrêté peut-être devant sa généreuse imprudence, le soutinrent longtemps. Tout à coup il s’enfonce… un silence d’horreur répond seul au précepteur haletant qui atteignait cette scène de désolation.

— Où sont-ils ? dit le pauvre maître, dont les dents claquent d’impatience, et qui se déshabille en les interrogeant.

— Là ! montrent les enfants, où tout s’était englouti. Mais ce n’était plus là !

René, comme attiré vers le bord par une puissance divine, y paraît à l’instant, traînant après lui sa proie évanouie, sans qu’il semble trop surpris de ce prodige. Il eût fallu lui couper le bras pour l’en séparer ; car ses doigts s’étaient si prodigieusement serrés en saisissant les cheveux d’Achille, que sa main saignait, déchirée de ses propres ongles.

Les acclamations qui le reçurent l’effrayèrent d’abord, et il se remit à crier : Secours ! secours ! pensant que le pauvre Achille n’était pas entièrement sauvé. Mais il était sauvé ! Ivre et faible encore, étendu sur le gravier que le soleil rendait brûlant, il regardait René, nu comme lui, René, que des souvenirs