Page:Desbordes-Valmore - Contes et scènes de la vie de famille, tome 2, 1865.pdf/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
LES PETITS POLONAIS.

comme elle pouvait la trace des pleurs qui filtraient à travers, se remit à courir au milieu de cette litanie qui l’enivrait et d’un tourbillon de projets qui lui battaient le front comme des ailes.

— Qu’est-ce que je donnerais donc bien à saint Christophe pour qu’il fasse revenir mon panitch ? se demandait-elle en se retournant de ci de là vers le saint colossal, sculpté en saillie dans l’angle du carrefour.

Les flots de bois découpés parmi lesquels il marchait plongé jusqu’aux genoux imitaient assez bien une rivière pour contenter la dévotion des femmes, tandis que le doux Christ porté sur les larges épaules du passeur de l’eau symbolisait pour elles tous les enfants en péril, au nom desquels montaient les prières de leurs parents.

Paraska, continuant à se demander ce qui pourrait toucher un si grand saint, délibéra de lui offrir son collier de corail à huit rangs, ce qu’elle avait de plus beau.

Puis elle craignit qu’il n’aimât pas le corail parce que c’était un vestige de vanité de femme, et cette pensée la fit rougir pour sa jeunesse. Mais quoi ! son doux panitch y avait tant de fois passé ses petites mains blanches du temps qu’elle l’allaitait,