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Page:Desbordes-Valmore - Correspondance intime 1.djvu/27

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distingué, plus jeune qu’elle, la toucha, elle, abandonnée, privée de toute affection, et, à son tour, par reconnaissance, par besoin d’aimer et d’être aimée, elle donna tout ce qui lui restait de son cœur, (h) Avait-elle donc oublié celui qui l’avait trahie ?

  Inconstance ! affreux sentiment
 Je t’implore, je te déteste.
Tu flattes mon orgueil, tu séduis ma raison ;
Mais mon cœur est plus tendre, il échappe à ta ruse.
Oui, prête à m’engager en de nouveaux liens,
Je tremble d’être heureuse, et je verse des larmes.

Non, elle n’avait pas oublié, et elle n’oubliera jamais. Mais le recul du temps obscurcit peu à peu l’image de l’aimé, qui s’efface et disparait dans les brumes du passé ; il ne reste plus dans le souvenir, qu’une grande lueur d’amour, pareille à un de ces feux solitaires, qui brûlent longtemps encore, après le départ du pâtre qui les avait allumés : l’homme a passé, l’amour, l’amour idéal et impersonnel demeure. Aussi, Marceline, quoique se souvenant, pouvait-elle regarder son mari en face et lui dire : « Tout mon cœur t’appartient, je ne suis qu’à toi, et cet amour que je chante dans mes vers ne m'apprend qu’à mieux t’aimer. » C’est peut être ce qu’aurait dû mieux comprendre celui auprès duquel elle vécut, épouse, mère irréprochable.