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Page:Desbordes-Valmore - Correspondance intime 1.djvu/32

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le Théâtre-Français reçoive son mari… Et l’épouse, timide et fière, qui n’aimait ni demander ni se montrer, multiplie ses démarches, passe ses journées en courses, gravit ces interminables escaliers de Paris, frappe à des portes inconnues, se morfond dans les antichambres, pénètre dans les bureaux des directeurs, et même, tout émue, dans les ministères. Sans doute, le monde de Paris avait oublié la jeune comédienne, dont en 1805, au théâtre Feydeau, on admirait la grâce ingénue et la voix touchante, mais beaucoup connaissaient ses romances chantées dans les salons, et tous ceux qui s’occupaient de littérature, les esprits délicats, les amants de poésie, avaient lu ses vers. Bien des fois, elle fut surprise de voir éclore tant de sympathies autour d’elle ; et certes, elle devait avoir un charme bien grand, pour, plus tard, trouver grâce devant Barbey d’Aurevilly, si avare pourtant d’admiration et d’indulgence, surtout envers les femmes.

C’est pour elle, qui va mendier une place dans un théâtre, qui est plus que modestement vêtue, qui n’a rien de ce qui séduit, ni l’attrait de la jeunesse, ni l’éclat de la beauté, ni la richesse, que Lamartine compose une de ses plus belles harmonies, que Victor Hugo s’oublie lui-même un instant, et que Sainte-Beuve, sous sa plume de critique, trouve l’émotion… Tant est grande encore — disons-le pour l’honneur de notre siècle, si souvent accusé d’indifférence, — la puissance qu’exerce la poésie.