courir en sûreté et en joie : mais il prit dans sa tête qu’il serait mieux d’aller sans souliers, quoiqu’il ait vu quelques enfans pauvres aux pieds tors et sanglans, par la privation d’un bien si utile. Le voilà donc qui commence par rompre les forts cordons de sa chaussure, et qui livre au ruisseau d’abord un soulier, puis un autre, les regardant fuir et dériver le long de la rue, avec des battemens de mains, et des regards pleins d’orgueil ; cette petite flotte lui parut être le modèle d’un bateau de cuir ; un brevet d’invention l’eût rendu moins fier. Les souliers, submergés et pleins d’eau, s’arrêtèrent par bonheur devant une pauvre femme, qui les fit sécher au soleil, remerciant Dieu de lui envoyer pour son enfant cette parure salutaire : Dieu n’avait pas voulu qu’ils fussent perdus pour tout le monde.
L’inventeur de bateau, très-léger et très-fier, courut alors en sauvage, ici dans l’herbe, là sur le gravier, ne manquant pas de