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Page:Desbordes-Valmore - Le Salon de lady Betty.djvu/439

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LE BAISER DU ROI.

mon sommeil par votre présence. Je vous trouve bien hardi d’oser vous montrer jusque dans mes rêves.

— Moi aussi, j’ai eu un songe, répondit Ericson troublé, n’ayant bien compris que les premières paroles de cette impertinente provocation. J’ai rêvé que vous me regardiez en souriant, que vous me regardiez longtemps, et j’étais heureux.

— C’était un mensonge, appuya-t-elle avec une féroce naïveté ; je sais mieux, quand je veille ou quand je dors, sur qui je dois attacher mes sourires.

— Comment vous suis-je donc apparu cette nuit ? demanda le comte, avec un étonnement singulier, que Christine trouva stupide.

— En cauchemar, monseigneur, aussi insupportable qu’aujourd’hui.

— Méprisante fille ! enseigne-moi donc à te faire l’amour ! s’écria-t-il en imprimant avec vivacité un baiser sur ces lèvres pourpres de colère.

Cette licence inouïe, dont Christine trouva l’ardeur effrénée, fut payée par un soufflet si prompt et si haineux, que l’offenseur, en frottant sa joue rougissante, s’émerveilla qu’il eût été appliqué par ces doigts faibles comme des fuseaux. Un obus l’eut frappé de moins de surprise.

— Votre père m’a trompé, dit-il après un assez long silence et du ton le plus grave ; il m’a laissé