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viii

amours, aux longues rêveries, avant que je ne m’engage dans le sentier aride, ô ma harpe éolienne ! un dernier son ; ô ma voix inconnue ! un dernier chant, un son mélancolique, un chant de souvenir. J’écoute.

Ondine, enfant joyeux qui bondis sur la terre,
Mobile comme l’eau qui te donne son nom,
Es-tu d’un séraphin le miroir solitaire ?
Sous ta grâce mortelle orne-t-il ma maison ?

Quand je t’y vois glisser, dansante et gracieuse,
Je sens flotter mon ame errante autour de toi ;
Je me regarde vivre, ombre silencieuse ;
Mes jours purs, sous tes traits, repassent devant moi.

Car, toujours ramenés vers nos jeunes annales,
Nous retrempons nos yeux dans leurs fraîches couleurs ;
Midi n’a plus le goût des heures matinales
Où l’on a respiré tant de sauvages fleurs ;
Le champ, le plus beau champ que renfermât la terre,
Furent les blés bordant la maison de mon père,
Où je dansais, volage, en poursuivant du cœur
Un rêve qui criait : Bonheur ! bonheur ! bonheur !

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Ô ma voix amie ! merci ; car votre dernier chant est le plus doux de vos chants.

Alex. Dumas.