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vii

L’image inattendue enivre la raison.
Tel un insecte ailé s’élance sur la rose
Et la brûle d’un doux poison.
Des jeunes souvenirs la foule caressante
Accourt, brave la crainte, et l’espace et le temps ;
Qui n’a cru respirer, dans la fleur renaissante,
Les parfums regrettés de ses premiers printemps ?

Et moi, dans un accent qui trouble et qui captive,
Naguère un charme triste est venu m’attendrir.
L’écouterai-je encor, curieuse et craintive,
Ce doux accent qui fait mourir ?
Ce nom… j’allais le dire ; il m’est donc cher encore ?
Ma frayeur n’a donc plus de force contre lui ?
Toi, qui ne m’entends pas, d’où vient que je t’implore ?
N’es-tu pas loin ? n’ai-je pas fui ?
Reverrai-je tes yeux, dont l’ardente prière
Obtiendrait tout des cieux ?
Oui, pour ne plus les voir, j’abaisse ma paupière ;
Je m’enfuis dans mon ame, et j’ai revu tes yeux !
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.......................

Et maintenant que, plus avant dans la vie, après avoir laissé à chaque pas de cette rude montagne que nous gravissions une espérance, une illusion, un bonheur ; maintenant qu’arrivé haletant et fatigué au sommet de la jeunesse, je détourne les yeux des débris qui jonchent ma route pour étendre ma vue vers le côté grave de l’existence ; maintenant qu’il me faut dire adieu aux folles joies et aux jeunes