Page:Desbordes-Valmore - Les Pleurs, 1834.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
LES PLEURS.

Ne fais plus fermenter dans mon ame troublée
Tous ces germes amers où s’éteint la raison ;
Laisse tomber en paix une fleur accablée,
Atteinte dans le cœur d’un tranquille poison.

Tu le sais, comme on voit un calme et frais breuvage
Tourner pendant l’orage,
Tu le sais ! quand l’amour gronde et fait tant souffrir,
La douce humeur de l’ame est facile à s’aigrir.
J’ai senti… (le dirais-je ? oui, s’accuser soi-même
Est peut-être un besoin d’absoudre ce qu’on aime) :
J’ai senti tout mon cœur s’élever contre toi ;
J’ai supplié la mort d’éteindre ma mémoire ;
Oui, j’ai haï ton nom ! oui, j’ai haï ta gloire !
Ah ! c’est que je t’aimais alors ; pardonne-moi !