Page:Desbordes-Valmore - Les Pleurs, 1834.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
LES PLEURS.


Il voit rire un jardin sur l’étroit cimetière,
Où la lune souvent me prenait à genoux ;
L’ironie embaumée a remplacé la pierre
Où j’allais, d’une tombe indigente héritière,
Relire ma croyance au dernier rendez-vous !

Tristesse ! après long-temps revenir isolée,
Rapporter de sa vie un compte douloureux,
La renouer malade à quelque mausolée,
Chercher un cœur à soi sous la croix violée,
Et ne plus oser dire : « Il est là ! » c’est affreux !

Mais cet enfant qui joue et qui dort sur la vie,
Qui s’habille de fleurs, qui n’en sent pas l’effroi ;
Ce pauvre enfant heureux que personne n’envie,
Qui, né pour le malheur, l’ignore et s’y confie,
Je le regrette encor, cet enfant ; c’était moi.

Au livre de mon sort si je cherche un sourire,
Dans sa blanche préface, oh ! je l’obtiens toujours
À des mots commencés que je ne peux écrire,
Éclatans d’innocence et charmans à relire,
Parmi les feuillets noirs où s’inscrivent mes jours !