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LES PLEURS.


Un bouquet de cerise, une pomme encor verte,
C’étaient là des festins savourés jusqu’au cœur !
À tant de volupté l’ame neuve est ouverte,
Quand l’âpre affliction, de miel encore couverte,
N’a pas trempé nos sens d’une amère saveur !

Parmi les biens perdus dont je soupire encore,
Quel nom portait la fleur… la fleur d’un bleu si beau,
Que je vis poindre au jour, puis frémir puis éclore,
Puis, que je ne vis plus à la suivante aurore ?
Ne devrait-elle pas renaître à mon tombeau !

Douce église ! sans pompe, et sans culte et sans prêtre,
Où je faisais dans l’air jouer ma faible voix,
Où la ronce montait fière à chaque fenêtre,
Près du Christ mutilé qui m’écoutait peut-être,
N’irai-je plus rêver du ciel comme autrefois ?

Oh ! n’a-t-on pas détruit cette vigne oubliée,
Balançant au vieux mur son fragile réseau ?
Comme l’aile d’un ange, aimante et dépliée,
L’humble pampre embrassait l’église humiliée
De sa pâle verdure où tremblait un oiseau !