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LES PLEURS.

Qui faisait aux enfans un miroir de son onde ;
Elle est tarie… Hélas ! tout se tarit au monde ;
Hélas ! la vie et l’onde ont un destin pareil !

Ne plus passer devant l’école bourdonnante,
Cage en fleurs où couvaient, où fermentaient nos jours ;
Où j’entendis, captive, une voix résonnante
Et chère ! à ma prison m’enlever frissonnante :
Voix de mon père, ô voix ! m’appelez-vous toujours ?

Où libre je pâlis de tendresse éperdue ;
Où je crus voir le ciel descendre, et l’humble lieu
S’ouvrir ! Mon père au loin m’avait donc entendue ?
Fière, en tenant sa main, je traversai la rue ;
Il la remplissait toute ; il ressemblait à Dieu !

Albertine ! et là bas flottait ta jeune tête,
Sous le calvaire en fleurs ; et c’était loin du soir !
Et ma voix bondissante avait dit : Est-ce fête !
Ô joie ! est-ce demain que Dieu passe et s’arrête ?
Et tu m’avais crié : « Tu vas voir ! tu vas voir ! »

Oui ! c’était une fête, une heure parfumée ;
On moissonnait nos fleurs, on les jetait dans l’air :