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LES PLEURS.


Ah ! quand je descendrai rapide, palpitante,
L’invisible sentier qu’on ne remonte pas,
Reconnaîtrai-je enfin la seule ame constante
Qui m’aimait imparfaite, et me grondait si bas !

Te verrai-je, Albertine ! ombre jeune et craintive ;
Jeune, tu t’envolas peureuse des autans :
Dénouant pour mourir ta robe de printemps,
Tu dis : « Semez ces fleurs sur ma cendre captive. »

Oui ! je reconnaîtrai tes traits pâles, charmans !
Miroir de la pitié qui marchait sur tes traces.
Qui pleurait dans ta voix, angélisait tes grâces,
Et qui s’enveloppait dans tes doux vêtemens !

Oui, tu ne m’es qu’absente, et la mort n’est qu’un voile,
Albertine ! et tu sais l’autre vie avant moi.
Un soir, j’ai vu ton ame aux feux blancs d’une étoile ;
Elle a baisé mon front, et j’ai dit : C’est donc toi !

Viens encor ; viens ! j’ai tant de choses à te dire !
Ce qu’on t’a fait souffrir, je le sais ! j’ai souffert.