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LES PLEURS.


Ta voix enseigne avec tristesse
Des airs de fête à tes petits,
Pour qu’attendri de leur faiblesse,
L’oiseleur les épargne, et laisse
Grandir leurs plumes dans les nids !

Mais l’oiseau que ta voix imite
T’a prêté sa plainte et ses chants,
Et plus le vent du nord agite
La branche où ton malheur s’abrite,
Plus ton ame a des cris touchans !

Du poète c’est le mystère :
Le luthier qui crée une voix,
Jette son instrument à terre,
Foule aux pieds, brise comme un verre
L’œuvre chantante de ses doigts ;

Puis, d’une main que l’art inspire,
Rajustant ces fragmens meurtris,
Réveille le son et l’admire,
Et trouve une voix à sa lyre
Plus sonore dans ses débris !…

Ainsi le cœur n’a de murmures
Que brisé sous les pieds du sort !