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LES PLEURS.

Tu dors long-temps ; mais tu n’es pas malade,
Et ton réveil a triplé ses grelots.

Je baise au front cette muse fidèle ;
Son vol frémit, tout l’univers l’entend :
Que d’astres froids elle éteint d’un coup d’aile !
Sa plume brûle ! — écris : le pauvre attend.
Sauvage encor, libre, candide, nue,
Elle a monté par les mêmes chemins :
L’aigle sans peur la soutint dans la nue ;
Oh ! qu’elle est noble ! ô les beaux parchemins !

Sans la trahir, toi, tu l’as épousée ;
L’eau des prisons baptisa vos sermens :
Par l’ouragan la flamme est aiguisée,
Et tu sors pur de ses embrassemens.
Glissant partout où le pouvoir te veille,
Qu’elle a trompé de gardes endormis !
Qu’elle t’a dit de secrets à l’oreille !
Et ces secrets, Dieu ! qu’ils t’ont fait d’amis !

On rit, on pleure en feuilletant ton ame ;
À chaque page elle brûle nos doigts ;
Dans ces sons pleins de larmes et de flamme,
Qu’on aime Dieu ! mais aime-t-on les rois ?