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iii

sière, n’était pas une vague et son écume ; les arbustes amaigris et tortueux qui garnissaient la route vous semblaient des figures fantastiques qui vous regardaient passer dans différentes postures, les unes debout, les autres accroupies, celles-ci vous menaçant et semblant vous poursuivre, celles-là immobiles et se raillant de vous ; c’était un songe sans sommeil, un engourdissement qui eût été la mort, s’il se fût étendu jusqu’au cœur, une atonie dont un coup de tonnerre ou une blessure ne vous eussent peut-être pas tiré. Et cependant vous avez tressailli tout à coup, et tout à coup vous avez retrouvé vos facultés les plus ardentes pour écouter.

Un son venait de traverser l’espace.

Ce son était si faible qu’il sembla se perdre à quelques pas du chemin ; mais il était en même temps si pur, si suave, qu’il avait été chercher tout ce qui restait de vivant en vous, et qu’au fond du corps engourdi il avait trouvé l’ame.

À Kachemyr ou à Bagdad, vous eussiez cru entendre le chant d’une péri ;

Aux pieds du Carmel ou du Gelboé, les plaintes d’un ange ;

Dans les forêts d’Underwald ou de Glaris, les soupirs d’une fée.