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LES PLEURS.

C’était beau ! c’était tout. Quand ta voix me parla,
Le rideau s’entr’ouvrit, l’éternité brûla !
Le ciel illuminé s’emplit de ta présence ;
Dieu te mit devant moi, je compris sa puissance :
En passant par tes yeux mon ame a tout prévu :
Dieu, c’est toi pour mon cœur ; j’ai vu Dieu, je t’ai vu !

Mais pour te retrouver dans cette joie immense,
Il faut franchir l’espace, et la mort le commence.
Horreur ! il faut passer par un étroit cercueil,
Quitter ta main qui brûle, et ta voix toujours tendre ;
Ah ! dans le désespoir d’être un jour sans l’entendre,
Tout mon ciel se referme… En tremblant, sur le seuil
Où la cloche qui pleure est encore entendue,
Pour nous éteindre à deux je suis redescendue.

Où ces signaux de mort envoyés devant moi,
S’allument, et long-temps tremblent comme des lampes
Qu’on voit glisser au loin sur les gothiques rampes
D’une église où je vais le soir prier pour toi,
Dis ! cette ombre qui passe auprès de la chapelle,
Est-ce ton ame en peine, en quête de mon sort,
Sous une aile traînante et paresseuse encor,
Dont le doux bruit de plume et m’effleure et m’appelle ?
Heureux qui s’abandonne, « oh ! tu l’as dit souvent,
» Et qui s’envole à Dieu comme la plume au vent ! »