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LES PLEURS.

Quand je sens tes doux yeux brûler sur ma paupière,
Dis ! n’est-ce pas ton cœur qui regarde mon cœur ?

Il m’éblouit de joie ! il endort mes alarmes.
Sais-tu de quel espoir il relève mon sort ?
J’y vois toute une vie, et je la vois sans larmes,
Et je n’ai plus peur de la mort !

Toi qui m’as seule aimée, écoute : si tu changes,
Je te pardonnerai sans t’imiter jamais ;
Car de cet amour vrai dont s’adorent les anges
Je sens que je t’aimais.

Et sans ton cœur, mon cœur comme un poids inutile,
Tel qu’en ce froid cadran palpite un plomb mobile,
De la nuit à l’aurore et de l’aurore au soir,
Battra jusqu’au tombeau, sans joie et sans espoir.

Et, j’en demande à Dieu pardon plus qu’à toi-même,
Je ne veux pas revivre où l’on dit que l’on aime,
Si l’on t’y donne un bien qui ne sera plus moi,
Et si Dieu m’y destine un autre ange que toi.