Page:Desbordes-Valmore - Les Veillées des Antilles, tome 1, 1821.pdf/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
MARIE.

le monde se ressentît de sa joie, et tout le monde danse là-bas. Moi, mon fils, je ne danse plus. À mon âge, on ne peut courir où est le bonheur ; il faut l’attendre, et j’attends. Annette et Julien sont unis, je les ai vus ce matin à l’église que voilà. Je viens de les voir passer pour aller à la danse ; avant le coucher du soleil, je les verrai encore.

« La belle Annette m’a dit en s’arrêtant exprès : Bon jour, mère Geneviève. Moi j’ai dit à Annette : Dieu vous bénisse, ma fille ! Et Dieu la bénira, voyez-vous. Elle respecte la vieillesse, et s’arrête pour elle au plus beau moment de sa vie. Julien la chérit de tout son cœur, et fait bien de la chérir, car il est arrivé qu’étant aussi pauvre qu’elle est sage, Annette a pensé mourir d’amour pour Julien. »

Et le jeune berger, qui, appuyé sur sa houlette, écoutait Geneviève, lui dit : « On ne meurt pas d’amour, ma mère. »