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MARIE.

filles riches sont gaies ; cette belle fille ne l’est pas. » Et il ralentissait sa course parce qu’il trouvait du plaisir à parler ainsi tout seul.

Il y avait au même instant, à quelques pas, une petite bergère qui se parlait de même, qui rêvait, qui chantait en souvenir de la fête :


Un étranger vint un jour au bocage ;
On célébrait la noce de Julien :
Je crus qu’Amour arrivait au village,
Et mon regard s’arrêta sur le sien.

On l’entoura ; moi je restai muette :
Il fit danser l’épouse de Julien.
Le bouquet blanc tomba du sein d’Annette,
Et je tremblai qu’il ne donnât le sien.

Qu’elle est heureuse, Annette, mon amie !
Pour son époux elle a nommé Julien.
Quel nom, me dis-je, embellira ma vie,
Si l’étranger ne m’apprend pas le sien ?

Il m’aborda : Dieu ! que j’étais craintive !
Il me parla du bonheur de Julien.
En rougissant je m’éloignai pensive ;
En m’éloignant mon cœur chercha le sien.