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LE VIEUX CRIEUR DU RHONE

A M. JARS

On avait couronné la vierge moissonneuse ;
Le village à la ville était joint par des fleurs ;
La jeunesse et l’enfance y mêlaient leurs couleurs,
Et le vieillard riait d’une vendange heureuse.
Tout à coup le plaisir cessa,
Comme le feu follet qui s’éteint dès qu’il brille ;
Et dans l’ombre un long cri glaça
Jusqu'au chant de la jeune fille.
"Rendez, rendez l’enfant dans la foule égaré :
Pour l’appeler encor sa mère a tant pleuré !
 
"Elle n’a plus de voix pour sa douleur amère ;
Sa clameur s’est changée en un silence affreux.
L’enfant ne dira pas qu’il est bien malheureux ;
Il ne prononce encor que le nom de sa mère.
Quoi ! pas une voix ne répond !
Ne l'avez-vous pas vu jouer sur le rivage ?
Hélas ! le Rhône est si profond,
Et l’on est si faible à cet âge !
Rendez, rendez l’enfant dans la foule égaré :
Pour l’appeler encor sa mère a tant pleuré !
"Ses cheveux du blé mûr ont la couleur dorée ;
Ses yeux sont noirs et doux ; ses dents croissent encor ;