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Pleurs et pauvres fleurs.

Ne peut-on lentement respirer le bonheur,
Vivre sans éveiller le temps et le malheur ?
Embrasse-moi : plus près de ta moitié qui tremble,
Laisse passer la vie ; elle nous aime ensemble !
Quand tu m’as dit adieu, je me donne à rêver,
Et les mots qui font peur reviennent me trouver,
Ils disent que l’on meurt en sortant d’une fête,
Et je t’y vois courir, et je cache ma tête,
Et leurs sons plus aigus sifflent entre mes doigts :
« On meurt ! on meurt ! on meurt ! on se quitte une fois ! »
Puis ton nom !… Ah ! ce nom m’éveille ; il me rassure.
Ton baiser presse encor mes lèvres, j’en suis sûre !
Et je m’appelle folle en me sentant frémir.
Vois ! qu’un portrait de toi serait doux sous mes larmes ;
Et je n’ai que ton nom, ton nom ; pas d’autres armes.
Si je chantais, ma voix sortirait pour gémir ;
A mon âme qui pense elle reste attachée ;
Dans mes pâles tourments je demeure cachée :
Alors je rêve un monde où dureront toujours
Les caresses du cœur et les libres amours !
Prends mes ailes, viens ! viens, où jamais la pensée
N’est un poignard armé contre une âme oppressée.
Songes-y ! plus d’absence, et personne entre nous.
Là, nos trames d’amour n’ont plus de nœuds jaloux ;
Là, jamais un fil noir ne traverse la joie
Des fuseaux toujours pleins d’or et de pure soie !

Avant de t’avoir vu, devines-tu comment
J’entrevoyais du ciel le vague enchantement ?
Je regardais toujours, comme à travers un voile
On s’amuse à chercher la forme d’une étoile.
Sous l’immense rideau je ne pouvais saisir