Le bocage est désenchanté !
Autrefois l’onde fugitive
Arrosait en courant les cailloux et les fleurs :
Je ne vois qu’un roseau languissant sur la rive,
Et mes yeux se couvrent de pleurs,
Hélas ! on a changé ta course,
Ruisseau, de l’inconstance on te fait une loi,
Et je n’espère plus retrouver à ta source
Les serments emportés par toi.
Ah ! si pour rafraîchir une âme désolée
Il suffit d’un doux souvenir,
Ruisseau, pour ranimer l’herbe de la vallée,
Parfois n’y peux-tu revenir ?
J’entends du vieux berger la plaintive musette ;
Mais qu’est devenu le troupeau ?
Sous l’empire de sa houlette,
Il n’a plus même un innocent agneau.
Tout en rêvant, il gravit la montagne ;
Il traîne avec effort son âge et son ennui.
Les moutons ont quitté la stérile campagne ;
Le chien est resté près de lui.
Mais que sa peine est facile et légère !
Du bonheur qui n’est plus il n’a point à rougir ;
Sans trouble, sur un lit de mousse ou de fougère,
Quand la nuit vient, il peut dormir.
Que de riches pasteurs lui porteraient envie !
Combien voudraient donner les plus nombreux troupeaux,
La houlette, la bergerie,
our une nuit d’un doux repos,
Et moi, d’amis aussi je fus environnée ;