Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/71

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Non, ce présent des cieux ne fait pas le bonheur ;
C’est pourtant le seul qui me reste !

Le monde où vous régnez me repoussa toujours ;
Il méconnut mon âme à la fois douce et fière,
Et d’un froid préjugé l’invincible barrière
Au froid isolement condamna mes beaux jours.
L’infortune m’ouvrit le temple de Thalie ;
L’espoir m’y prodigua ses riantes erreurs ;
Mais je sentis parfois couler mes pleurs
Sous le bandeau de la Folie.
Dans ces jeux où l’esprit nous apprend à charmer,
Le cœur doit apprendre à se taire ;
Et, lorsque tout nous ordonne de plaire,
Tout nous défend d’aimer.
Oh ! des erreurs du monde inexplicable exemple,
Charmante Muse ! objet de mépris et d’amour,
Le soir on vous honore au temple,
Et l’on vous dédaigne au grand jour.
Je n’ai pu supporter ce bizarre mélange
De triomphe et d’obscurité,
Où l’orgueil insultant nous punit et se venge
D’un éclair de célébrité.
Trop sensible au mépris, de gloire peu jalouse,
Blessée au cœur d’un trait dont je ne puis guérir,
Sans prétendre aux doux noms et de mère et d’épouse
Il me faut donc mourir !

Mais vous qui connaissez mon âme toujours pure,
Qui gémissez pour moi des caprices du sort,
Vous qui savez, hélas ! qu’en ma retraite obscure
Il me poursuit encor ;