Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/92

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L’oiseau devant l’éclair éprouve moins d’effroi :
Je sentis qu’un malheur tournait autour de moi.
Pour la première fois, dans sa cruelle adresse,
Jouant avec mon cœur qu’il déchirait… hélas !
Il parlait de bonheur sans parler de tendresse ;
Il parlait d’avenir, et ne me nommait pas !

Sa main, qui refusait comme lui de m’entendre,
S’éloigna de ma main ;
Ses yeux, qui tant de fois me priaient de l’attendre,
Ne disaient plus : Demain !

Pâle, presque à genoux, suppliante, craintive,
J’ai dit… je n’ai rien dit, mais on entend les pleurs ;
Et ce morne silence où parlent les douleurs,
Ce cri prêt d’entr’ouvrir le sein qui le captive,
Tout en moi, tout parlait : il n’a pas entendu !
C’en était fait, ma sœur. De mes larmes suivie,
Je repris la raison sans reprendre la vie :
J’écoutai… de ses pas le bruit s’était perdu,
J’étais seule. Un enfant qu’abandonne sa mère,
Dont la voix s’est brisée en une plainte amère,
Qui l’attend immobile, interdit, sans couleur,
Trouve un aspect moins triste à son premier malheur ;
Un poids moins douloureux étouffe la pensée
De son âme oppressée ;
Un fantôme moins noir l’épouvante et l’atteint,
Lorsqu’à ses yeux en pleurs l’espoir… le jour s’éteint.

Le voilà donc fini mon court pèlerinage !
Ciel ! que le sien plus beau soit ombragé de fleurs ;