Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/93

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Et, loin de le punir de mes tendres malheurs,
D’un suave laurier couronne son bel âge…

Qui fait fuir dans son nid cet oiseau palpitant ?
De ma dernière nuit c’est l’ombre avant-courrière :
Vois comme, en s’élevant de la noire bruyère,
Aux fleurs de ma fenêtre elle monte et s’étend :
Embrasse-moi, ma sœur, car son aile invisible
M’a touchée et m’entraîne en un sommeil paisible.
Ce rayon qui s’enfuit, non, ce n’est plus le jour,
Ce n’est plus le malheur ; non, ce n’est plus l’amour ;
C’est ma dernière nuit. Déjà froide comme elle,
Ma mémoire n’est plus qu’un miroir infidèle.
Oui, tout change, ma sœur, tout s’efface, et je sens
Que la paix ou la mort a coulé dans mes sens.





ÉLÉGIE


Quoi ! les flots sont calmés, et les vents sans colère
Aplanissent la route où je vais m’égarer :
J’ai vu briller le phare, et l’onde qui s’éclaire
Double l’affreux signal qui doit nous séparer !
Que fait-il ? Ah ! s’il dort, il rêve son amie ;
Bercé dans mon image, il attend le réveil ;
Comme l’onde paisible, il me croit endormie,
Et son rêve abusé sourit à mon sommeil.

Emmenez-moi, ma sœur. Dans votre sein cachée,
Comme une pâle fleur de sa tige arrachée,