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À MON FILS
APRÈS L’AVOIR CONDUIT AU COLLÉGE.


Dire qu’il faut ainsi se déchirer soi-même,
Leur porter son enfant, seule vie où l’on s’aime,
Seul miroir de ce temps où les yeux sont pleins d’or,
Où le ciel est en nous sans un nuage encor ;
Son enfant ! dont la voix nouvelle et reconnue,
Nous dit : « Je suis ta voix fraîchement revenue. »
Son enfant ! Ce portrait, cette âme, cette voix,
Qui passe devant nous comme on fut une fois ;
Quand on pense qu’il faut s’en détacher vivante.
Lui choisir une cage inconnue et savante,
Le conduire à la porte et dire : « Le voilà !
Prenez, moi je m’en vais… » — C’est Dieu qui veut cela !

Croyez-vous ? Dieu veut donc que noyée en ma peine
Comme cette Madone assise à la fontaine,
Cachée en un vieux saule aux longs cheveux mouillés,
Ne pouvant plus mouvoir mes pieds las et souillés,