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FILEUSE.


La fileuse file en versant des larmes ;
Sur son lin choisi s’inclinent ses charmes.
Le fil oublié glisse de ses doigts,
Et ses chants d’oiseau tremblent dans sa voix.

Sa quenouille est là toute négligée…
Oh ! d’un jour à l’autre on est si changée !
Quoi ! plus une rose à son front rêveur !
Qu’est-ce donc qu’elle a ? Je crois qu’elle a peur.

Elle était hier au banc de l’enfance
Avec ses fuseaux pour toute défense ;
Mais le soir l’enfant ne les avait pas
Quand quelqu’un dans l’ombre a suivi ses pas.

Personne aujourd’hui ne la voit plus rire.
En si peu d’instants qu’a-t-on pu lui dire ?
Ah ! pour qu’elle file en versant des pleurs,
Il faut que dans l’ombre on ait pris ses fleurs !