Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/293

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Dioptrique : car il me ſemble que i’en mettois quelque choſe ailleurs qu’à la fin, que vous, dites auoir oſté[1]. Et ie ſerois fort aiſe qu’on ne ſceuſt point du tout que i’ay ce deſſein : car de la façon que i’y 5 trauaille, elle ne ſçauroit eſtre prête de long-temps, I’y veux inſerer vn diſcours où ie tâcheray d’expliquer la nature des couleurs & de la lumiere, lequel m’a arreſté depuis ſix mois, & n’eſt pas encore à moitié fait ; mais auſſi ſera-t-il plus long que ie ne penſois, 10 & contiendra quaſi vne Phyſique toute entiere ; en ſorte que ie pretens qu’elle me ſeruira pour me dégager de la promeſſe que ie vous ay faite, d’auoir acheué mon Monde dans trois ans, car c’en ſera quaſi vn abrégé. Et ie ne penſe pas après cecy me reſoudre 15 iamais plus de faire rien imprimer, au moins moy viuant : car la fable de mon Monde | me plaiſt trop pour manquer à la paracheuer, ſi Dieu me laiſſe viure aſſez long--temps pour cela ; mais ie ne veux point répondre de l’auenir. Ie croy que ie vous enuoyeray 20 ce diſcours de la Lumiere, ſi-toſt qu’il ſera fait, & auant que de vous enuoyer le reſte de la Dioptrique : car y voulant décrire les couleurs à ma mode, & par conſequent eſtant obligé d’y expliquer comment la blancheur du pain demeure au ſaint Sacrement, ie ſeray 25 bien aiſe de le faire examiner par mes amis, auant qu’il ſoit vû de tout le monde. Au reſte, encore que ie ne me haſte pas d’acheuer la Dioptrique, ie ne crains pas du tout ne quis mittat falcem in meſſem alienam : car ie ſuis aſſuré que, quoy que les autres puiſſent

  1. Il s’agit de la lettre perdue, adressée à Mersenne lorsqu’il était à Anvers ; voir plus haut, p. 173, l. 13.