Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/592

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^8o Correspondance. ni, 6j6.

trouué tres-puilTant, non feulement pour me faire fupporter la mort de ceux que i'av le plus aimez, mais aufli pour m'empefcher de craindre la mienne, nonob- ftant que i eftime affez la vie. Il confifle dans la con- fideration de la nature de nos âmes, que ie penfe 5 connoiflre fi clairement deuoir durer après cette vie, & élire nées pour des plaifirs & des félicitez beaucoup plus grandes que celles dont nous iouilTons en ce monde, pourueu que par nos déreglemens nous ne nous en rendions point indignes, & que nous ne nous lo expofions point aux chaflimens qui font préparez aux méchants, que ie ne puis conceuoir autre chofe de la plufpart de ceux qui meurent, finon quils paflent • dans vne vie plus douce & plus tranquille que la nollre, & que nous les irons trouuer quelque iour, «5 mefme auec la fouuenance du paffé ; car ie trouue en nous vne mémoire intelleduelle, qui eft affurément indépendante du corps. Et quoy que la Religion nous enfeigne beaucoup de chofes fur ce fuiet, i'auoùe neantmoins en moy vne infirmité, qui m'eft, ce me 20 femble, commune auec la plufpart des hommes, à fçauoir que, nonobftant que nous veùillions croire, & mefme que nous penfions croire très-fermement tout ce qui nous eft enfeigne par la Religion, nous n'auons pas neantmoins coullume d'eftre fi touchez des chofes que 2 5 la feule Foy nous enfeigne, & où noflre raifon ne peut atteindre, que de celles qui nous font auec cela perfua- dées par des raifons naturelles fort euidentes. le fuis,

Monfieur,

Voftre tres-humble & tres-obeïflant 3o

feruiteur, descartes.

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