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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/676

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ſi[1] i’euſſe pû eſtre admis à l’honneur de vous faire la reuerence, & de vous offrir mes tres-humbles ſeruices, lors que i’eſtois dernierement à la Haye. Car l’aurois[2] eu trop de merueilles à admirer en meſme temps ; et voyant fortir des diſcours plus qu’humains d’vn corps ſi ſemblable à ceux que les peintres donnent[3] aux anges, i’euſſe eſté rauy de meſme façon que me ſemblent le deuoir eſtre ceux qui, venans de la terre, entrent nouuellement dans le ciel. Ce qui m’euſt rendu moins capable de reſpondre à voſtre Alteſſe, qui ſans doute a deſia remarqué en moy ce defaut, lors que l’ay eu cy-deuant l’honneur de luy parler ; & voſtre clemence l’a voulu ſoulager, en me laiſſant les traces de vos penſées ſur vn papier, où, les reliſant pluſieurs fois, & m’acoutumant à les conſiderer, i’en ſuis veritablement moins esbloüy, mais ie n’en ay que d’autant plus d’admiration, remarquant qu’elles ne paroiſſent pas ſeulement ingenieuſes[4] à l’abord, mais d’autant plus iudicieuſes & ſolides que plus on les examine.

Et ie puis dire, auec verité, que la queſtion que voſtre Alteſſe propoſe, me ſemble eſtre celle[5] qu’on me peut demander auec le plus de raiſon, en ſuite des eſcrits que i’ay publiez. Car, y ayant deux choſes en l’ame humaine, deſquelles depend toute la connoiſſance que nous pouuons auoir de ſa nature, l’vne deſquelles eſt[6] qu’elle penſe, l’autre, qu’eſtant vnie au cors, elle peut agir & patir auec luy ; ie n’ay quaſi rien dit de cette derniere, & me ſuis ſeulement eſtudié

  1. ſi… & de et.
  2. aurois] auois
  3. donnent] attribuent.
  4. tres ingenieuſes. — mais auſſi.
  5. celle] telle.
  6. deſquelles eſt omis.