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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/677

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à faire bien entendre la premiere, à cauſe que mon principal deſſein eſtoit de prouuer la diſtinction qui eſt entre l’ame & le corps ; à quoy celle-cy ſeulement a pû ſeruir, & l’autre y auroit eſté nuiſible. Mais, pour ce[1] que voſtre Alteſſe voit ſi clair, qu’on ne luy peut diſſimuler aucune choſe, ie taſcheray icy d’expliquer la façon dont ie conçoy l’vnion de l’ame auec le corps, & comment elle a la force de le mouuoir.

Premierement, ie conſidere qu’il y a en nous certaines notions primitiues, qui font comme des originaux, ſur le patron deſquels nous formons toutes nos autres connoiſſances. Et il n’y a que fort peu de telles notions ; car, apres les plus generales, de l’eſtre, du nombre, de la durée &c., qui[2] conuiennent à tout ce que nous pouuons conceuoir, nous n’auons, pour le corps en particulier[3], que la notion de l’extenſion, de laquelle ſuiuent celles de la figure & du mouuement ; & pour l’ame ſeule, nous n’auons que celle de la penſée, en laquelle ſont compriſes les perceptions de l’entendement & les inclinations de la volonté ; enfin, pour l’ame & le corps enſemble, nous n’auons que celle de leur vnion, de laquelle depend celle de la force qu’a l’ame de mouuoir le corps, & le corps d’agir ſur l’ame, en cauſant ſes ſentimens & ſes paſſions.

Ie conſidere auſſi que toute la ſcience des hommes ne conſiſte qu’à bien diſtinguer ces notions, & à[4] n’attribuer chacune d’elles qu’aux choſes auſquelles elles appartiennent[5]. Car, lors que nous voulons expliquer

  1. pour ce] parce.
  2. qui… conceuoir omis. Clerselier place cette incise avant &c.
  3. en particulier omis.
  4. à omis après &.
  5. elle appartient.