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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/679

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ſtingue pas touſiours aſſez les vnes des autres, ou bien ne les attribuë pas aux obiets auſquels on les doit attribuer.

Ainſi ie croy que nous auons cy-deuant confondu la notion de la force dont l’ame agit dans le corps, auec celle dont vn corps agit dans vn autre ; & que nous auons attribué l’vne & l’autre, non pas à l’ame, car nous ne la connoiſſions[1] pas encore, mais aux diuerſes qualitez des corps, comme à la peſanteur, à la chaleur, & aux autres, que nous auons imaginé eſtre reelles, c’eſt à dire auoir vne exiſtance diſtincte de celle du corps, & par conſequent eſtre des ſubſtances, bien que nous les ayons nommées des qualitez. Et nous nous ſommes ſeruis, pour les conceuoir, tantoſt des notions qui ſont en nous pour connoiſtre le corps, & tantoſt de celles qui y ſont pour connoiſtre l’ame, ſelon que ce que nous leur auons attribué, a eſté[2] materiel ou immateriel. Par exemple, en ſuppofant que la peſanteur eſt vne qualité reelle, dont nous n’auons point d’autre connoiſſance, ſinon qu’elle a la force de mouuoir le corps, dans lequel elle eſt, vers le centre de la terre, nous n’auons pas de peine à conceuoir comment elle meut ce corps, ny comment elle luy eſt iointe ; & nous ne pensons point que cela ſe[3] faſſe par vn attouchement[4] reel d’vne ſuperficie contre vne autre, car nous experimentons, en nous meſmes, que nous auons vne notion particuliere pour conceuoir cela ; & ie croy que nous vſons mal de cette notion, en l’ap-

  1. cognoiſſons.
  2. eſté] eſtre.
  3. ſe] ne
  4. avant attouchement, Clerselier ajoute attachement ou, ce qui doit être une autre leçon restée dans le texte.