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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/678

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quelque difficulté par le moyen d’vne notion qui ne luy appartient pas, nous ne pouuons manquer de nous meſprendre ; comme auſſi lors que nous voulons expliquer vne de ces notions par vne autre ; car, eſtant primitiues, chacune d’elles ne peut eſtre entenduë que par elle meſme. Et d’autant que l’vſage des ſens nous a rendu les notions de l’extenſion, des figures & des mouuemens, beaucoup plus familieres que les autres, la principale cauſe de nos erreurs eſt[1] en ce que nous voulons ordinairement nous ſeruir[2] de ces notions, pour expliquer les choſes à qui elles n’appartiennent pas, comme lors qu’on ſe veut ſeruir de l’imagination pour conceuoir la nature de l’ame, ou bien lors qu’on veut conceuoir la façon dont l’ame meut le corps, par celle dont vn cors eſt mû par vn autre cors.

C’eſt pourquoy, puis que, dans les Meditations que voſtre Alteſſe a daigné lire, i’ay taſché de faire conceuoir les notions qui appartiennent à l’ame ſeule, les diſtinguant de celles qui appartiennent au corps ſeul[3], la premiere chose que ie dois expliquer en ſuite, eſt la façon de conceuoir celles qui appartiennent à l’vnion de l’ame auec le corps, ſans celles qui appartiennent au corps ſeul, ou à l’ame ſeule. A quoy il me ſemble que peut ſeruir ce que i’ay eſcrit à la fin de ma Reſponſe aux ſix(ieſmes) obiections[4] ; car nous ne pouuons chercher ces notions ſimples ailleurs qu’en noſtre ame, qui les a toutes en foy par ſa nature, mais qui ne les di-

  1. eſt omis.
  2. nous nous voulons ordinairement ſeruir.
  3. ſeule] ſeulement.
  4. aux 6es obiections I. p. 490 de l’édition d’Amſterdam. Clerselier, après obiections, ajoute au contraire (page 384 de l’édition Françoiſe).