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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/697

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Et i’auoue qu’il me ſeroit plus facile de conceder la matiere & l’extenſion a l’ame, que la capacité de mouuoir vn corps & d’en eſtre emeu[1], a vn eſtre immateriel. Car, ſi le premier ſe faiſoit par information, il faudroit que les eſprits, qui font le mouuement, fuſſent intelligens, ce que vous n’accordez a rien de corporel. Et encore qu’en vos Meditations Metaphyſiques, vous montrez la poſſibilité du ſecond, il eſt pourtant tres difficile a comprendre qu’vne ame, comme vous l’auez deſcrite, apres auoir eu la faculté & l’habitude de bien raiſonner, peut perdre tout cela par quelques vapeurs, & que, pouuant ſubfifter ſans le corps & n’ayant rien de commun auec luy, elle en foit tellement regie.

Mais, depuis que vous auez entrepris de m’inſtruire, ie n’entretiens ces fentimens que comme des amis que ie ne crois point conſeruer, m’aſſeurant que vous m’expliquerez auſſi bien la nature d’vne ſubſtance immaterielle & la maniere de ſes actions & paſſions dans le corps, que toutes les autres choſes que vous auez voulu enſeigner. Ie vous prie auſſi de croire que vous ne pouuez faire cette charité a perſonne, qui ſoit plus ſenſible de l’obligation qu’elle vous en a, que

Voſtre tres affectionnée amie,

Voſtre tres affectionnée amie,Élisabeth.

Ce 10me de Iuin.

Monſieur Descartes.

  1. emeu meu (F. de C.).