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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/696

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moy toutes les cauſes d’erreur que vous remarquez en voſtre lettre, & de ne les pouuoir encore bannir entierement, puiſque la vie que ie ſuis contrainte de mener, ne me laiſſe la diſpoſition d’aſſez de tems pour acquerir vne habitude de meditation ſelon vos regles. Tantôt les interêts de ma maison, que ie ne dois negliger, tantôt des entretiens & complaiſances, que ie ne peux euiter, m’abatent ſi fort ce foible eſprit de faſcherie ou d’ennuy, qu’il ſe rend, pour longtemps apres, inutile a tout autre choſe : qui[1] ſeruira, comme i’eſpere, d’excuſe a ma ſtupidité, de ne pouuoir comprendre l’idée par laquelle nous deuons iuger comment l’ame (non eftendue & immaterielle) peut mouuoir le corps, par celle que vous auez eu autrefois de la peſanteur[2] ; ni pourquoy cette puiſſance, que vous luy auez alors, ſous le nom d’vne qualité, fauſement attribuée, de porter le corps vers le centre de la terre, nous doit pluſtót perſuader qu’vn corps peut eſtre pouſſé par quelque choſe d’immateriel, que la demonſtration d’vne verité contraire (que vous promettez en voſtre phyſique) nous confirmer dans l’opinion de ſon impoſſibilité : principalement, puiſque cette idée (ne pouuant pretendre a la meſme perfection & realité obiectiue que celle de Dieu) peut eſtre feinte par l’ignorance de ce qui veritablement meut ces corps vers le centre. Et puiſque nulle cauſe materielle ne ſe preſentoit aux ſens, on l’auroit attribué a ſon contraire, l’immateriel, ce que neanmoins ie n’ay iamais pu conceuoir que comme vne negation de la matiere, qui ne peut auoir aucune communication auec elle.

  1. qui] ce qui (F. de C.).
  2. Voir ci-avant p. 667, l. 18.