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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/706

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notion de l’vnion que chacun éprouue touſiours en ſoy-meſme ſans philoſopher ; à ſçauoir qu’il eſt vne ſeule perſonne, qui a enſemble vn corps & vne penſée, leſquels ſont de telle nature que cette penſée peut mouuoir le corps, & ſentir les accidens qui luy[1] arriuent), ie me ſuis ſeruy cy-deuant[2] de la comparaiſon de la peſanteur & des autres qualitez que nous imaginons communement eſtre vnies à quelques corps, ainſi que la penſée eſt vnie au noſtre ; & ie ne me ſuis pas ſoucié que cette comparaiſon clochaſt en cela que ces qualitez ne ſont pas reelles, ainſi qu’on les imagine, à cauſe que i’ay crû que voſtre Alteſſe eſtoit deſia entierement perſuadée que l’ame eſt vne ſubftance diſtincte du corps.

Mais, puis que[3] voſtre Alteſſe remarque qu’il eſt plus facile d’attribuer de la matiere & de l’extenſion à l’ame, que de luy attribuer la capacité de mouuoir vn corps & d’en eſtre muë, ſans auoir de matiere, ie la ſupplie de vouloir librement attribuer cette matiere & cette extenſion à l’ame ; car cela n’eſt autre choſe que la conceuoir vnie au corps. Et aprés auoir bien conceu cela, & l’auoir éprouué en ſoy-meſme, il luy ſera aiſé de conſiderer que la matiere qu’elle aura attribuée à cette penſée, n’eſt pas la penſée meſme, & que l’extenſion de cette matiere eſt d’autre nature que l’extenſion de cette penſée, en ce que[4] la premiere eſt determinée à certain lieu, duquel elle exclut toute autre extenſion de corps, ce que ne fait pas la deuxième. Et

  1. Clerselier : leur. La 2e copie de Leyde donne déjà luy.
  2. Page 667, l. 18.
  3. que omis.
  4. en ce que] & icy (2e copie).