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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/501

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Qu’on peut eſtre hay pour de bonnes actions auſſi bien que pour de mauuaiſes *.

Sur lesquels fondemens il appuye des preceptes tres tyranniques, comme de vouloir qu’on ruine tout vn païs, afin d’en demeurer le maiſtre ; qu’on exerce de grandes cruautez, pouruû que ce ſoit promtement & tout à la fois ; qu’on taſche de paroiſtre homme de bien, mais qu’on ne le ſoit pas veritablement ; qu’on ne tienne ſa parole qu’auſſi long-temps qu’elle ſera vtile ; qu’on diſſimule, qu’on trahiſſe ; & enfin que, pour regner, on ſe dépoüille de toute humanité, & qu’on deuienne le plus farouche de tous les animaux *

Mais c’eſt vn tres mauuais ſuiet pour ſaire des liures, que d’entreprendre d’y donner de tels preceptes, qui, au bout du conte, ne ſçauroient aſſurer ceux auſquels il les donne ; car, comme il auoüe luy-meſme, ils ne ſe peuuent garder du premier qui voudra negliger ſa vie pour ſe vanger d’eux *. Au lieu que, pour inſtruire vn bon Prince, quoyque nouuellement entré dans vn Eſtat, il me semble qu’on luy doit propoſer des maximes toutes contraires, & ſuppoſer que les moyens dont il s’eſt ſeruy pour s’établir ont eſté iuſtes ; comme, en effet, ie croy qu’ils le ſont preſque tous, lors que les Princes qui les pratiquent les eſtiment tels ; car la iuſtice entre les Souuerains a d’autres limites qu’entre les particuliers, & il ſemble qu’en ces rencontres Dieu donne le droit à ceux auſquels il donne la force. Mais les plus iuſtes actions deuiennent iniuſtes, quand ceux qui les font les penſent telles.

On doit auſſi diſtinguer entre les ſuiets, les amis