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92 OEuvRES DE Descartes. ne-uy.

ment & diftinélement eft vray. Il ne refte plus que la mineure, où ie confeffe que la difficulté n'eit pas petite. Premièrement, parce 148 que nous fommes tellement ac|couftumez dans toutes les autres chofes de diltinguer l'exilknce de l'effence, que nous ne prenons pas allez garde comment elle apartient à l'effence de Dieu, pluftoft qu'à celle des autres chofes ; & auffi pource que, ne diftinguant pas les chofes qui appartiennent à la vraye & immuable effence de quelque chofe, de celles qui ne luy font attribuées (]ue par la fiction de noftre entendement, encore que nous aperceuions affez claire- ment que l'exiftence apartient à l'effence de Dieu, nous ne con- cluons pas toutesfois de là que Dieu exifte, pource que nous ne fçauons pas fi fon effence eft immuable & vraye, ou fi elle a feule- ment efté inuentée. Mais, pour ofter la première partie de cette difficulté, il faut faire diflindion entre l'exiftence poffible & la ne- ceffaire ; & remarquer que l'exiftence poffible eft contenue dans le concept ou l'idée de toutes les chofes que nous conceuons clairement & diftin^lement, mais que l'exiftence neceffaire n'eft contenue que dans la feule idée de Dieu. Car ie ne doute point que ceux qui confidereront auec attention cette différence qui eft entre l'idée de Dieu & toutes les autres idées, n'aperçoiuent fort bien, I qu'encore que nous ne conceuions iamais les autres chofes, finon comme exiftantes, il ne s'enfuit pas neantmoins de là qu'elles exi- ftent, mais feulement qu'elles peuuent exifter ; parce que nous ne conceuons pas qu'il ibit neceffaire que l'exiilence actuelle foit con- 149 iointe auec leurs autres proprietez; mais que, de ce que nous | con- ceuons clairement que l'exiftence aduelie eft neceffairement & touf- iours conjointe auec les autres attributs de Dieu, il fuit de là que Dieu necelTairement exifte. Puis, pour ofter l'autre partie de la diffi- culté, il faut prendre garde que les idées qui ne contiennent pas de vrayes & immuables natures, mais feulement de feintes & com- pofées par l'entendement, peuuent eftre diuifées par le meime en- tendement, non feulement par vne abftradion ou reftricT:ion de fa penfée, mais par vne claire & diftinde opération ; en forte que les chofes que l'entendement ne peut pas ainfi diuifer, n'ont point fans doute efté faites ou compofées par luy. Par exemple, lorfque ie me reprefente vn cheual aifté, ou vn lion aduellement exiftant, ou vn triangle infcrit dans vn quarré, ie conçoy facilement que ie puis aufll tout au contraire me reprefenter vn cheual qui n'ait point d'aifle.'., vn lion qui ne foit point exiftant, vn triangle fans quarré, & partant, que ces chofes n'ont point de vrayes & immuables na- tures. Mais fi ie me reprefente vn triangle, ou vn quarré (ie ne parle

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