Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/123

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122-123. Secondes Objections.

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��l'oir clairement qu'au moins il ejl certain que vous qui penfc\ ejies quelque chofe. Mais arrejîons-nous vn peu icy. lufques-là vous cun- noijfei que vous ejles vue chofe qui penfe, mais vous ne J'çaue:{ pas en- core ce que c'ejl que cette chofe qui penfe. Et que fçauei-vous fi ce n'efl point vn corps, qui, par f es diuers mouuemens & rencontres, fait cette aâion que nous apellons du nom de penfée ? Car, encores que vous croyiei auoir rejette toutes fortes de corps, vous vous efies peu tromper en cela, que vous ne vous efïes pas rejette vous-mefme, qui ejles vn corps. Car comment prouue^-vous qu'vn corps ne peut penfer? {ou que des mouuemens corporels ne font point la penfée mef me? Et pourquoj- tout lefijteme de voftre corps, que vous croye\ auoir rejette, ou quelques parties d'iceluf, par exemple celles du cerueau, ne peu- uent-elles pas concourir à former ces mouuemens que nous apellons des penfées ? le fuis, dites-vous, ime chofe qui penfe; mais quefçaue\- vousfi vous nèfles point aujfi vn mouuement corporel, ou vn corps remué?

Secondement, de l'idée d'vn eflre fouuerain, laquelle vous fouflene-^ ne pouuoir eflre produite par vous, vous ofe^ conclure l'exiflence d'vn fouuerain eflre, duquel feul peut procéder l'idée qui efl en voftre efpril. Mais nous trouuons en nous-mefmes vn jondemcnt fuffifant, fur lequel eflant feulement apuj-e:( nous pouuons former celte idée, quoj qu'il n'y eufl point de fouuerain eftre, ou que nous ne \ fceuffwiis 158 pas s'il y en a vn, & que fon exiflence ne nous vinfl pas mefme en la penfée ; car ne voy-je pas qu'ayant la faculté de penfer, i'ay en moy quelque degré de petfeâion ? Et ne voy-je pas auffi que d'autres que moy ont vn femblable degré? Ce qui me fer t de fondement pour penfer à quelque nombre que ce f oit, & auffi pour adjoiifler jni degré de perfedion fur l'autre iufqu'à l'infiny ; tout de meftne que, quand il n'y aurait au monde qu'vn degré de chaleur ou de lumière, ie pourois neantmoins en adjoufter & en feindî-e toujours de nou- ueaux iufques à l'infitiy. Pourquoy pareillement ne pouray-je pas adioufler à quelque degré d' eflre que i'aperçoy e/ire en moy, tel autre degré que ce foit, &, de tous les degre^ capables d'eflre adioufle\, former l'idée d'vn eflre parfait? Mais, dites-vous, l'efj'ecl ne peut auoir aucun degré de perfeâion, ou de réalité, qui n'ait eflé aupara- uant dans fa caufe. Alais (outre que nous voyons tous les iours que les mouches, & plufieurs autres animaux, comme aiifjt les plantes, font produites par le Soleil, la pluye & la terre, dans Icfqueh il n'y a point de vie comme en ces animaux, laquelle rie efl plus noble qu'aucun autre degré purement corporel, d'oii il arriue que l'e/fecl tire quelque realité de fa caufe, qui neantmoins n'efloit pas dans fa Œuvres. IV. i3

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