Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/136

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no OEuvREs DE Descartes. 139-140.

chofe, en matière de nombrer, qui furpaffe mes forces, ie puis con- clure neceifairement,' non pas à la vérité qu'vn nombre infiny exiik,- ny aufli que ion exiilence implique contradiction, comme vous dites, mais que cette puilîance que i'ay de comprendre qu'il y a toufiours quelque chofe de plus à conceuoir, dans le plus grand des nombres, que ie ne puis iamais conceuoir, ne me vient pas de moy-mefme, & que ie I'ay receuë de quelque autre ertre qui eit plus parfait que ie ne fuis.

181 I Et il importe fort peu qu'on donne le nom d'idée à ce concept d'vn nombre indefiny, ou qu'on ne luy donne pas. Mais, pour entendre quel eft cet eitre plus parfait que ie ne fuis, & fi ce n'eft point ce mefme nombre, dont ie ne puis trouuer la fin, qui eft réel- lement cxiftani & infiny, ou bien fi c'eft quelqu'autre chofe, il faut confiderer toutes les autres perfe6lions, lefquelles, outre la puiffance de me donner cette idée, peuuent efire en la mefme chofe en qui efi cette puilfance ; | & ainfi on trouuera que cette chofe cil Dieu.

Enfin, lors que Dieu efl: dit eltre inconceuable, cela s'entend d'vne pleine & entière conception, qui com.prenne & embraffe parfaite- ment tout ce qui ell en luy, & non pas de cette médiocre & impar- faite qui efi en nous, laquelle neantmoins fufit pour connoiftre qu'il exiife. Et vous ne prouuez rien contre mo}', en difant que l'idée de l'vnité de toutes les perfeâ ions qui fout en Dieu, foit formée de la mefme façon que l'vnité genci-ique & ceUe des autres vniueifaux. Mais neantmoins elle en efl fort difterente ; car elle dénote vne par- ticulière & pofitiue perfection en Dieu, au lieu que l'vnité générique n'adjoufte rien de réel à la nature de chaque indiuidu.

En troifiéme lieu, où i'ay dit que nous ne pouuons rien fçauoir certainement, fi nous ne connoiffons premièrement que Dieu exijle, i'ay dit, en termes exprez, que ie ne parlois que de la fcience de ces conclufions, dont la tnemoire nous peut reuenir en l'efprit, lorfque

182 \nous ne penfons plus aux raifojis d'où nous les auons tirées. Car la connoiffance des premiers principes ou axiomes n'a pas accouftumé d'eftre apellée fcience par les Dialediciens. Mais quand nous aper- ceuons que nous fommes des chofes qui penfent, c'eft vne première notion qui n'eft tirée d'aucun fyllogifme ; & lorfque quelqu'vn dit : le penfe, donc ie fuis, ou i'exifle, il ne conclut pas fon exiftence de fa penfée comme par la force de quelque fyllogifme, mais comme vne chofe connue de foy ; il la void par vne fimple infpedion de l'efprit. Comme il paroift de ce que, s'il la deduifoit par le iyllogifme, il auroit deu auparauant connoiftre cette maieure : Tout ce qui penfe, efi ouexifîe. Mais, au contraire, elle lui eft enfeignée de ce qu'il fent

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