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148 OEuvRES DE Descartes. 190-191.

247 I II eft certain que l'ignorance eji feulement m défaut, & qu'il n'efl pas befoin d'aucune faculté pofitiue pour ignorer; mais, quant à l'er- reur, la chofe n'efl pas fi manifejle : car il femble que,fi les pierres & les autres chofes inanimées ne peuuent errer, c'eft feulement parce qu'elles n'ont pas la faculté de raifonner ny d'imaginer ; & partant, il faut conclure que, pour errer, il eft befoin d'vn entendement, ou du

moins d'vne imagination, qui font des faculté^ toutes deux pofiliues, acco?-dée{s) à tous ceux qui errent, mais aufji à euxfeuls.

Dauantage, Monfeur Des Cartes adioute : l'aperçoy que mes cireurs dépendent du concours de deux caufes, à fçauoir, de la faculté de connoirtre qui cft en moy, & de la faculté d'élire ou du libre arbitre, ce qui femble auoir de la contradiâion auec les chofes qui ont efté dites auparauant. Oit il faut anffi remarquer que la liberté du franc-arbitre eft fupofée fans eftre prouuée, quoj que cette fupo- filion fait contraire à l'opinion des Caluin'ftes.

Réponse.

Encore que, pour errer, il foit befoin de la faculté de raifonner (ou plutoft de iuger, ou bien d'affirmer ou de nier), d'autant que c'en eft le défaut, il ne s'enfuit pas pour cela que ce | défaut foit réel, non plus que l'aueuglement n'ell pas apelé réel, quoy que les

248 pierres ne foyent pas | dites aueugles pource feulement qu'elles ne font pas capables de voir. Et ie fuis étonné de n'auoir encore peu rencontrer dans toutes ces obieclions aucune confequence, qui me femblaft eftre bien déduite de fes principes.

le n'ay rien fupofé ou auancé, touchant la liberté, que ce que nous reffentons tous les iours en nous-mefmes, & qui eft tres- connu par la lumière naturelle ; & ie ne puis comprendre pourquoy il eft dit icy que cela répugne, ou a de la contradiclion, auec ce qui a efté dit auparauant.

Mais encore que peut-eftre il y en ait plufieurs qui, lorfqu'ils confiderent la préordination de Dieu, ne peuuent pas comprendre comment noftre liberté peut fubfifter -^ s'accorder auec elle, il n'y a neantmoins perfonnc qui, fe regardant feulement foy-mefme, ne reffente & n'expérimente que la volonté & la liberté ne font qu'vne mefme chofe, ou plutoft qu'il n'y a point de différence entre ce qui eft volontaire &, ce qui eft libre. Et ce n'eft pas icy le lieu d'exa- miner quelle eft en cela l'opinion des Caluiniftes.

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