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��233-234- Quatrièmes Réponses. i8i

priuation : fçauoir elt, vn certain fentiment qui n'a aucun eftre hors de l'entendement.

Il n'en eft pas de mefme de l'idée de Dieu, au moins de celle qui eft claire & diftinde, parce qu'on ne peut pas dire qu'elle fe ra- porte à quelque cho|fe à quoy elle ne foit pas conforme.

Quant aux idées confufes des Dieux qui font forgées par les Idolâtres, ie ne voy pas pourquoy elles ne pouroient point auffi eftre dites matériellement fauffes, en tant qu'elles feruent de ma- tière à leurs faux iugemens.

Combien qu'à dire vray, celles qui ne donnent, pour ainfi dire, au iugement aucune occafion d'erreur, ou qui la donnent fort légère, ne doiuent pas auec tant de raifon eftre dites matériellement fauffes, que celles qui la donnent fort grande ; or il eft aifé de faire voir, par plufieurs exemples, qu'il y en a qui donnent vne bien plus grande occafion d'erreur les vnes que les autres.

Car elle n'eft pas | fi grande en ces idées confufes que noftre efprit inuente luy-mefme (telles que font celles des faux Dieux), qu'en celles qui nous font offertes confufément par les fens, comme font les idées du froid & de la chaleur, s'il eft vray, comme i'ay dit, qu'elles ne reprefentent rien de réel.

Mais la plus grande de toutes elt dans ces idées qui naiffent de l'appétit fenfitif. Par exemple, l'idée de la Ibif dans vn hydropique ne luy eft-elle pas en effet occafion d'erreur, lorfqu'elle luy donne fujet de croire que le boire luy fera profitable, qui toutesfois luy doit eftre nuifible ?

Mais Monfieur Arnauld demande ce que cette idée du froid me reprefente, laquelle i'ay dit eftre matériellement fauffe : car, dit-il, fi elle reprefente vne [priuation, donc elle eft vraye; fi vn eftre ■po- 311 filif, donc elle n'eft point l'idée du froid. Ce que ie luy accorde ; mais ie ne l'apelle fauffe, que parce qu'eftant obfcure & confufe, ie ne puis difcerner fi elle me reprefente quelque chofe qui, hors de mon fentiment, foit pofitiue ou non; c'eft pourquoy i'ay occafion de iuger que c'eft quelque chofe de pofitif, quoy que peut-eftre ce ne foit qu'vne fimple priuation.

Et partant, il ne faut pas demander quelle eft la caufe de cet eftre pofitif objeâif, qui, félon mon opinion, fait que cette idée eft maté- riellement faujfe; d'autant que ie ne dis pas qu'elle foit faite maté- riellement fauffe par quelque eftre pofitif, mais par la feule obfcu- rité, laquelle neantmoins a pour fujet & fondement vn eftre pofitif, à fçauoir le fentiment mefme.

Et de vray, cet eftre pofitif eft en moy, en tant que ie fuis vne

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