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i88 OEuvRES DE Descartes. 243-244.

caiife efficiente d'vne chofe ii'eft demandée qu'à r ai/on de fon exijîence, & iamais à rai/on de fon ejfence : or eft-il qu'il n'ejl pas moins de l'ejfence d'vn ejlre infini d'exijîer, qu'il ejl de l'ejfence d'vn triangle d'auoir f es trois angles égaux à deux droits ; doncques il nefautnOn plus répondre par la caufe efficiente, lorfqu'on demande pourquoy Dieu exijîe, que lorfqu'on demande pourquoy les trois angles d'vn triangle font égaux à deux droits.

Lequel fyllogifme peut ayfément eftre renuoyé contre fon auteur, en cette manière : Quoy qu'on ne puiffe pas demander la caufe effi- ciente à raifon de l'elTence, on la peut neantmoins demander à raifon de l'exiftence; mais en Dieu l'effence n'eft point diftinguée de l'exi- ftence, doncques on peut demander la caufe efficiente de Dieu.

Mais, pour concilier enfemble ces deux chofes, on doit dire qu'à celuy qui demande pourquoy Dieu exifte, il ne faut pas à la vérité 323 répondre par la | caufe efficiente proprement dite, mais feulement par l'effence mefme de la chofe, ou bien par la caufe formelle, la- quelle, pour cela mefme qu'en Dieu l'exiflence n'eft point diftinguée de l'effence, a vn très-grand raport auec la caufe efficiente, & partant, peut eftre apelée quafi caufe efficiente.

Enfin il adioute, qu'à celuy qui demande la caufe efficiente de Dieu, il faut répondre qu'il n'en a pas befoin ; & derechef, \ à celuy qui de- mande pourquoy il n'en a pas befoin, il faut répondre, parce qu'il eft vn efire infini duquel l'exifience efl fon effence ; car il n'y a que les chofes dans lefquelles il efi permis de difiinguer l'exifience aâuelle de l'effence, qui ayent bejoin de caufe efficiente.

D'où il infère que ce que i'auois dit auparauant eft entièrement renuerfé ; c'eft à fçauoir, y? ie penfois qu'aucune chofe ne peufi en quelque façon efire à l'égard de foy-mefme ce que la caufe efficiente efi à l'égard de fon effeâ, iamais en cherchant les caiifes des chofes ie ne viendrois à vue première ; ce qui neantmoins ne me femble aucu- nement renuerfé, non pas mefme tant foit peu affoibly ou ébranlé; car il eft certain que la principale force non feulement de ma démon- ftration, mais auffi de toutes celles qu'on peut aporter pour prouuer l'exiftence de Dieu par les effets, en dépend entièrement. Or prefque tous les Théologiens foutiennent qu'on n'en peut aporter aucune, fi elle n'eft tirée des effets.

Et partant, tant s'en faut qu'il aporte quelque éclairciffement à la

324 preuue & demonftration de l'exiftenlce de Dieu, lorfqu'il ne permet

pas qu'on lui attribut" à l'égard de foy-mefme l'analogie de la caufe

efficiente, qu'au contraire il l'obfcurcit & empefche que les lefteurs.

ne la puiffent comprendre, particulièrement vers la fin, où il conclut

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