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Œuvres de Descartes.

touchant ces deux queſtions, ſont autant de demonſtrations, quand elles ſont bien entenduës, & qu'il ſoit preſque impoſſible d'en in- uenter de nouuelles: ſi eſt-ce que ie croy qu'on ne ſçauroit rien faire de plus vtile en la Philofophie, que d'en rechercher vne fois curieu (5) ſement & auec ſoin | les meilleures & plus ſolides, & les diſpoſer en vn ordre ſi clair & ſi exact, qu'il ſoit conſtant deſormais à tout le monde, que ce ſont de veritables demonſtrations. Et enfin, d'autant que pluſieurs perſonnes ont deſiré cela de moy, qui ont connoiſſance que i'ay cultiué vne certaine méthode pour reſoudre toutes ſortes de difficultez dans les ſciences; methode qui de vray n'eſt pas nouuelle, n'y ayant rien de plus ancien que la verité, mais de laquelle ils ſçauent que ie me ſuis ſeruy aſſez heureuſement en d'autres rencontres ; i'ay penſé qu'il eſtoit de mon deuoir de tenter quelque choſe ſur ce ſuject[1].

| Or i'ay trauaillé de tout mon poſſible pour comprendre dans ce Traité tout ce qui s'en peut dire. Ce n'eſt pas que i'aye icy ramaſſé toutes les diuerſes raiſons qu'on pourroit alleguer pour ſeruir de preuue à noſtre ſujet : car ie n'ay iamais creu que cela fuſt neceffaire, ſinon lors qu'il n'y en a aucune qui ſoit certaine; mais ſeulement i'ay traité les premieres & principales d'vne telle maniere, que i'oſe bien les propoſer pour de tres-euidentes & très-certaines demonſtrations. Et ie diray de plus qu'elles ſont telles, que ie ne penſe pas qu'il y ait aucune voye par où l'eſprit humain en puiſſe iamais découurir de meilleures; car l'importance de l'affaire, (6) & la gloire de Dieu à laquelle tout cecy ſe | raporte, me contraignent de parler icy vn peu plus librement de moy que ie n'ay de couſtume. Neantmoins, quelque certitude & euidence que ie trouue en mes raiſons, ie ne puis pas me perſuader que tout le monde ſoit capable de les entendre. Mais, tout ainſi que dans la Geometrie il y en a pluſieurs qui nous ont esté laiſſées par Archimede, par Apollonius, par Pappus, & par pluſieurs autres, qui ſont receuës de tout le monde pour tres-certaines & tres-euidentes, parce qu'elles ne contiennent rien qui, conſideré ſeparément, ne ſoit tres-facile à connoiſtre, & qu'il n'y a point d'endroit où les conſequences ne quadrent & ne conuiennent fort bien auec les antecedans ; neantmoins, parce qu'elles ſont vn peu longues, & qu'elles demandent vn eſprit tout entier, elles ne ſont compriſes & entenduës que de fort peu de perſonnes : de meſme, encore que i'eſtime que celles dont ie me ſers icy, égalent, voire meſme ſurpaſſent en certitude & euidence les

  1. Non à la ligne.