demonſtrations de Geometrie, i’aprehende neantmoins qu’elles ne puiſſent pas eſtre aſſez ſuffiſamment entenduës de pluſieurs, tant parce qu’elles ſont auſſi vn peu longues, & dependantes les vnes des autres, que principalement parce qu’elles demandent vn eſprit entierement libre de tous préjugez & qui ſe puiſſe ayſément | détacher (7) du commerce des ſens. Et en verité, il ne s’en trouue pas tant dans le monde qui ſoient propres pour les Speculations Metaphyſiques, que pour celles de Geometrie. Et | de plus il y a encore cette difference que, dans la Geometrie chacun eſtant preuenu de l’opinion, qu’il ne s’y auance rien qui n’ait vne demonſtration certaine, ceux qui n’y ſont pas entièrement verſez, pechent bien plus ſouuent en approuuant de fauſſes demonſtrations, pour faire croire qu’ils les entendent, qu’en refutant les veritables. Il n’en eſt pas de meſme dans la Philoſophie, où, chacun croyant que toutes ſes propoſitions ſont problematiques, peu de perſonnes s’addonnent à la recherche de la verité ; & meſme beaucoup, ſe voulant acquerir la reputation de forts eſprits, ne s’étudient à autre choſe qu’à combattre arrogamment les veritez les plus apparentes[1].
C’eſt pourquoy, Messieurs, quelque ſorce que puiſſent auoir mes raiſons, parce qu’elles apartiennent à la Philoſophie, ie n’eſpere pas qu’elles faiſſent vn grand effort[2] ſur les eſprits, ſi vous ne les prenez en voſtre protection. Mais l’eſtime que tout le monde fait de voſtre Compagnie eſtant ſi grande, & le nom de Sorbonne d’vne telle authorité, que non ſeulement en ce qui regarde la Foy, aprés les ſacrez Conciles, on n’a iamais tant déferé au iugement d’aucune (8) autre Compagnie, mais auſſi en ce qui regarde l’humaine Philoſophie, chacun croyant qu’il n’eſt pas poſſilble de trouuer ailleurs plus de ſolidité & de connoiſſance, ny plus de prudence & d’integrité pour donner ſon iugement : ie ne doute point, ſi vous daignez prendre tant de ſoin de cét eſcrit, que de vouloir premierement le corriger : car ayant connoiſſance non ſeulement de mon infirmité, mais auſſi de mon ignorance, ie n’oſerois pas aſſurer qu’il n’y ait aucunes erreurs ; puis aprés y adjoùter les choſes qui y manquent, acheuer celles qui ne ſont pas parfaites, & prendre vous-meſmes la peine de donner vne explication plus ample à celles qui en ont beſoin, ou du moins de m’en auertir afin que i y trauaille, & enfin, aprés que les raiſons par leſquelles ie prouue qu’il y a vn Dieu, & que l’ame humaine differe d’auec le corps, auront eſté portées