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40 OEUVRES DE Descartes. so-si.

eftre en Dieu. Que fi elle tient Ion exiftence de quelque autre caufe que de foy, on demandera derechef, par la mefme raifon, de cette féconde caufe, li elle eft par foy, ou par autruy, iufques à ce que de degrez en degrez on paruienne enfin à vne dernière caufe qui fe trouuera eflre Dieu. Et il eft tres-manifefle qu'en cela il ne peut y auoir de prOgrez à l'infiny, veu qu'il ne s'agit pas tant icy de la caufe qui m'a produit autresfois, comme de celle qui me conferue prefentement ".

On ne peut pas feindre auffi que peut-eflre plufieurs caufes ont enfemble concouru en partie à ma production, & que de l'vne i'ay receu l'idée d'vne des perfections que i'attribuë à Dieu, & d'vne autre l'idée de quelque autre, 2n forte que toutes ces perfections fe trouuent bien à la vérité quelque part dans l'Vniuers, mais ne fe rencontrent pas toutes iointes & affemblées dans vne feule qui foit Eieu. Car, au contraire, l'vnité, la fimplicité, ou l'infeparabilité de toutes les choies qui font en Dieu, eft vne des principales per- fections que ie conçoy eftre en luy; & certes l'idée de cette vnité & affemblage de toutes les perfections de Dieu, n'a peu eftre mife 57 en moy par aucune caufe, de qui ie n'aye point auffi receu | les idées de toutes les autres perfections. Car elle ne peut pas me les auoir fait comprendre enfemblement iointes & infeparables, fans auoir fait en forte en mefme temps que ie fceufle ce qu'elles eftoient, & que ie les connufl"e toutes en quelque façon.

Pour ce qui regarde mes parens, defquels il femble que ie tire ma naiffance, encore que tout ce que l'en ay iamais peu croire foit véritable, cela ne fait pas toutesfois que ce foit eux qui me con- feruent, ny qui m'ayent fait & produit en tant que ie fuis vne chofe qui penfe, puifqu'ils ont feulement mis quelques difpofitions dans cette matière, en laquelle ie iuge que moy, c'eft à dire mon efprit, lequel ieul ie prens maintenant pour moy- mefme, | fe trouue ren- fermé; & partant il ne peut y auoir icy à leur égard aucune diffi- culté, mais il faut necelfairement conclure que, de cela feul que i'exifte, & que l'idée d'vn eftre Ibuuerainement parfait (c'eft à dire de Dieu) eft en moy, l'exiftence de Dieu eft tres-euidemment de- monftrée.

Il me rerte feulement à examiner de quelle façon i'ay acquis cette idée. Car ie ne I'ay pas receuë par les fens, & iamais elle ne s'eft offerte à moy contre mon attente, ainfi que font les idées des choies t'enfibles, lorfque ces choies fe prefentent ou femblent fe prefenter

a. Non à la ligne.

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