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��OEUVRES DE Descartes. 7o-7«.

��i'ay iugé cela eftre véritable, pourueu que ie me reffouuienne de l'auoir clairement & diftinctement compris, on ne me peut appor- ter aucune raifon contraire, qui me le face iamais reuoquer en doute; & ainfi i'en ay vne vra3'e & certaine fcience. Et cette mefme fcience s'eftend auffi à toutes les autres chofes que ie me reffouuiens d'auoir autrefois demonftrées, comme aux veritez de la Géométrie, & autres femblables : car qu'eft-ce que l'on me peut obieder, pour m'obliger à les reuoquer en doute? Me dira-t-on que ma nature eft telle que ie fuis fort fujet à me méprendre? Mais ie fçay defia que ie 86 ne puis me tromper dans les iugemens dont ie | connois clairement les raifons. Me dira-t-on que i'ay tenu autrefois beaucoup de chofes pour vrayes & certaines, lefquelles i'ay reconnu par après eftre faulies? Mais ie n'auois connu clairement ny diftinctement aucunes de ces chofes-là, &, ne fçachant point encore cette règle par laquelle ie m'affeure de la vérité, i'auois elle porté à les croire par des raifons que i'ay reconnu depuis eftre moins fortes que ie ne me les eftois pour lors imaginées. Que me pourra-t-on doncques obieder dauan- tage? Que peut-eftre ie dors (comme ie me l'eftois moy-mefme ob- jecté cy-deuantj, ou bien que toutes les penfées que i'ay maintenant ne font pas plus vrayes que les réueries que nous imaginons eftans endormis? Mais| quand bien mefme ie dormirois, tout ce qui fe pre- fente à mon efprit auec éuidence, eft abfolument véritable. Et ainfi ie reconnois tres-clairement que la certitude & la vérité de toute fcience dépend de la feule connoiffance du vray Dieu : en forte qu'auant que ie le connutfe% ie ne pouuois fçauoir parfaitement au- cune autre chofe. Et à prefent que ie le connois, i'ay le moyen d'ac- quérir vne fcience parfaite touchant vne infinité de chofes, non feulement de celles qui font en luy, mais auflî de celles qui appar- tiennent à la nature corporelle, en tant qu'elle peut feruir d'objet aux demonftrations des Géomètres, lefquels n'ont point d'égard à fon exiftence.

a. ■;( Fautes à corriger : p. 86, connoiffe, lis. connulTe. » {i" édit.)

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