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��71-72. Méditations. — Sixième. 57

��Méditation sixième. 87

De l’existence des choses materielles, & de la réelle distinction entre l’ame & le corps de l’homme.

Il ne me reste plus maintenant qu’à examiner s’il y a des choses matérielles : & certes au moins sçay-je désia qu’il y en peut avoir, en tant qu’on les considere comme l’objet des demonftrations de Géométrie, veu que de cette façon ie les conçoy fort clairement & fort diftindement. Car il n’y a point de doute que Dieu n’ait la puis- sance de produire toutes les choses que ie fuis capable de concevoir auec diftindion; & ie n’ay iamais iugé qu’il luy fust impoiïible de faire quelque chose, qu’alors que ie trouuois de la contradiélion à la pouuoir bien concevoir. De plus, la faculté d’imaginer qui est en moy, & de laquelle ie voy par | expérience que ie me fers lorfque ie m’applique à la confideration des choses matérielles, est capable de me perfuader leur exiftence : car quand ie confidere attentivement ce que c’est que l’imagination, | ie trouue qu’elle n’est autre chose qu’une certaine application de la faculté qui connoift, au corps qui luy est intimement prefent, & partant qui exifte. :

Et pour rendre cela tres-manifeste, ie remarque premièrement la différence qui est entre l’imagination & la pure intelledion ou con- ception. Par exemple, lorsque i’imagine un triangle, ie ne le conçoy pas feulement comme une figure compofée & comprife de trois lignes, mais outre cela ie confidere ces trois lignes comme prefentes par la force & l’application intérieure de mon esprit; & c’est propre- ment ce que i’appelle imaginer. Que fi ie veux penser à un Chilio- gone,ie conçoy bien à la vérité que c’est une figure compofée de mille coftez, aufli facilement que ie conçoy qu’un triangle est une figure composée de trois coftez feulement: mais ie ne puis pas imaginer les mille coftez d’un Chiliogone, comme ie fais les trois d’un triangle, ny, pour ainfi dire, les regarder comme prefens auec les yeux de mon efprit. Et quoy que, fuiuant la couftume que i’ay de me feruir toufiours de mon imagination, lorfque ie penfe aux chofes corpo- relles, il arriue qu’en conceuant un Chiliogone ie me reprefente confufement quelque figure, toutesfois il est tres-euident que cette figure n’est point un Chiliogone, | puifqu’elle ne differe nullement de celle que ie me reprefenterois, fi ie penibis à un Myriogone, ou à quelque autre figure de beaucoup de costez ; & qu’elle ne fert en Œuvres. IV. 8

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