Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/119

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» rester dans le tuyau, et que l’air s’y pouroit raréfier dans toute son estendue, sans qu’il y demeurât de mercure. Il faut donc maintenant rechercher quelle sorte de corps il y peut avoir. Or en cela il est vray que je ne puis résoudre, angustiœ sunl iindique. » ~

« La matière subtile de M. Descartes ne me contente pas. Que-ce soit » celle qui estoit meslée avec le mercure, qui s"en soit séparée, il me » semble que cela ne se peut, pource qu’elle occuperoit toute seule autant » de place qu’avec le mercure, ce qui ne peut estre sans raréfaction. Mais » la raréfaction ne se fait, selon luy, que par l’introduction de la mesme ’) matière subtile dans les pores du corps raréfié; il faudroit donc une » autre matière plus subtile dans les pores de cette première, qui seroit » aler a 1 infiny, outre que cela ne se pouroit encores concevoir sans rare- » faction de cette seconde. Si cette matière subtile se raréfie sans intro- » duction d’une autre matière subtile, elle aura une infinité de petits » vuides, qui est une chose qui destruit la Philosophie Descartique, par- » ticulierement les raisonements de la 3 Partie, an. 89 et ailleurs. Il faut » donc que cette matière subtile vienne de dehors ; mais si cela est, pour- » quoy demeure-t-il aucun mercure dans le tuyau, et que ne se remplit-il » tout de cette matière? D’ailleurs, pourquoi l’eau s’esleve-t-elle dans les » pompes, et pourquoy y auroit il jamais aucun péril de vuide en la na- » ture ? Si la matière subtile est toujours capable de passer par tout et de !) s’introduire dans touts les corps, que n’entre-t-elle dans les pompes, » dans les ventouses et par tout ailleurs, sans faire monter les corps pa- rt sants contre leur nature ? Ce que vous me dites des couleurs et du son » et des espèces, je croy vous l’avoir cscrit dés l’Auvergne; car il s’est » trouvé des Peripateticiens qui m’ont fait cette objection. Mais quoique » je demeure d’acord avec M« Gassende, que toutes ces choses sont des 11 corps, je dis qu’il faut qu’il y en ait encores un autre que cela, et qu’en- i> cores que ce soit des cors, ils sont trop subtils et ne peuvent contenter » le désir de la nature touchant la repletion et la continuité qu’elle affecte, » pour ce que, si cela estoit, jamais il ne devroit rien plus y avoir de » crainte de vuide, et l’eau ne devroit point monter, contre sa nature, » dans un tuyau de verre, lorsqu’on attireroit l’air par en haut, puisque » la lumière et les espèces y entreroient toujours, qui seroit un moyen » plus facile pour empescher le vuide que l’eslevation de l’eau. Ces corps » ne sont donc pas capables de contenter la nature; partant il faut qu’il » y en ait un autre dans le tuyau, mais pourtant qu’il n’y entre ou ne s’y » trouve, de quelque façon que ce soit, qu’après avoir eslevé ou retenu » eslevé le corps qui sy rencontre, autant qu’elle peut, c’est a dire le » mercure de la hauteur de deux pieds trois pouces ou environ, 1) l’eau de 32 pies, etc. Or, de savoir quel est ce corps et d’où il vient, » hoc opus, hic labor, c’est ce que je n’ay pu encores deviner. Et pour moy, après avoir considéré tout cecy, je ne songe plus a faire confesser aux Aristotéliciens que le haut de notre tuyau soit un vray vuide, mais seulement qu’il n’y a aucun des corps connus ou ordi-